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Historique - L'origine
RAPIDE HISTOIRE DU CARTONNAGE :
 
 
Des reliures d’attentes aux percalines polychromes
 
Les plaques polychromes figuratives des cartonnages et des cartonnages en percalines ont exercé sur nous et continuent d’exercer une réelle fascination. Près d’un siècle après leur floraison, les teintes pastelles enjoaillées de touches d’or ou d’argent éveillent pour des générations qui ne les ont pas connues des sentiments, voire des sensations que l’ont croyaient enfouies dans l’enfance. Véritables madeleines de Proust, elles font redécouvrir ce sentiment du merveilleux et nous poussent à croire que le monde n’est pas tout à fait encore désenchanté. Et pourtant, leurs amateurs les ont rarement hérités de bibliothèques de famille ou des fameux greniers de grands-parents qui ne recèlent hélas que des fleurs bien fanées : toiles gondolantes et tâchées, papiers ocellés de champignons ou recuits, jaunes et friables, une alternance de sécheresse et d’humidité mortelle pour les cartonnages moins résistants aux affres du temps que les puissantes reliures aux ais de bois et les papiers à la cuve du XVI et du XVII ème siècle. C’est le plus souvent sur les étals des libraires ou des salles de vente que fleurissent ces livres fragiles, au milieu des reliures austères du XIX ème, des basanes du XVIII ème.
 
La reliure d’éditeur d’un cartonnage polychrome est une œuvre composite faisant intervenir plusieurs artistes : le dessinateur, créateur de l’illustration, dont la signature est suivie du terme del, abréviation du latin delimitavit. Le graveur, concepteur de la matrice, dont la signature est suivie du terme sculpt, abréviation du latin sculptavit. A ces deux signatures, peut s’ajouter celle du relieur, maître d’œuvre de la reliure, dont la signature est quant à elle parfois suivie du terme rel, pour relieur. Bien entendu, l’amateur a beaucoup de chance lorsque ces trois signatures figurent, voire seulement l’une d’elles.
 
Il est possible de tracer un rapide historique du cartonnage : l’ancêtre est probablement un cartonnage d’attente, parfois joliment recouvert de papier dominoté, qui permettait aux acquéreurs de s’offrir une reliure à leur goût ou à leur livrée. Il se trouve encore sur les étals des libraires des séries complètes de Voltaire, Rousseau, y compris dans les plus célèbres éditions, snobées à tort par les amateurs. Sous les restaurations, apparaîtront les cartonnages à la Bradel avec une couverture de papier gaufré, éventuellement adornée, d’une vignette centrale polychrome, recouverte d’une livrée de papier chromolithographié à motifs décoratifs ou figuratifs. Mame de Tours, Ardant frères de Limoges, représentants types de l’édition catholique du XIX ème siècle excelleront dans cette production.
 
Mais à coté de cette masse d’ouvrages de petits formats, s’élabore le véritable ancêtre des cartonnages présentés dans cet ouvrage, plus rares, plus chers : le cartonnage d’éditeur en percaline à fers spéciaux de l’époque romantique. Revêtu de toile marouflée anglaise de couleur sombre, il décline les bleus nuits, les noirs, les noirs tête de nègre, les prunes à la mode romantique, avec des textures différentes, à gros grains, longs et alvéolés. A des plaques passe partout, s’ajoutent, fleuron de cet production, les cartonnages à plaques spéciales signées par des relieurs prestigieux et innovateurs, comme Engel et Le Nègre. Ce sont là des noms que nous retrouveront sur les cartonnages polychromes. Les plaques, estampées à froid dans un premier temps, sont parfois parées de papiers de couleur découpés en forme, collés puis sertis par la dorure. Ce savoir faire, à son apogée dans les années 1840-1850, a quasiment disparu dans les décennies 1860-1870.
 
Nous entrons alors dans la période couverte par ce livre : à la livrée sombre, s’est substituée une livrée rouge flamboyante qui commença par ornée avant la guerre de 1870 la bibliothèque rose chez Hachette, mais également les cartonnages de grands format de la revue du « Tour du Monde ».
 
Au lendemain de la guerre Franco-prussienne, le rouge devient la couleur phare des percalines et le référent mythique du livre de prix ou d’étrennes adornés de fer dorés.
 
La polychromie s’installe alors sous forme timide avec des aplats de noir puis de bi-chromisme dans les années 1880. Enfin, apparaît la véritable polychromie dans cet âge d’or des percalines polychromes qui couvre de 1890 à 1914.
 
Par la suite, rejoignant le proverbe populaire selon lequel la vieillesse tente à ressembler à la jeunesse, nous retrouveront dans la décadence des percalines polychromes qui couvrent l’entre deux guerres, une régression de la qualité de la polychromie à de rares exceptions faites : la réédition à moindre qualité des cartonnages de l’avant guerre, ou la flamboyance des derniers cartonnages Laurens illustre cette tendance. En 1939, les récits d’une grand mère peut apparaître comme le gothique flamboyant de la plaque spéciale polychrome sur percaline.
 
LES PAPIERS
 
Les papiers utilisés par les imprimeurs se ressentent des évolutions techniques de l’époque, comme l’atteste Astrid C BRANDT (H E F ; T.III ; p.61 - 63 ). Elle montre comment le passage de la fabrication manuelle à la fabrication par une machine à papier introduit des techniques agressives qui ont nui à la qualité du papier (sa capacité de conservation dans le temps) avant même le passage du papier chiffon au papier fabriqué à base de pâte à bois, mécanique puis chimique : un traitement mécanique agressif du papier (contraintes lors des phases d’étirage, de séchage…) allié à un traitement chimique acidifiant lors des phases d’encollage (création d’acide sulfurique au contact de l’humidité de l’air) et de blanchiment (au chlore) a conduit à renforcer la fragilisation du papier chiffon utilisé pendant la première moitié du XIX ème siècle.
 
L’utilisation de la machine à papier comme la mécanisation parallèle renforcée des imprimeries alliées à un marché des lecteurs en pleine expansion vont conduire à chercher à remplacer le chiffon, pour cause de pénurie potentielle de cette matière première, par des pâtes de bois « mécaniques » vers 1860 1870 ; celle ci ne peut pas être utilisée seule et, si elle fait chuter le coût de revient du papier, elle a des effets désastreux sur sa pérennités du fait du peu de stabilité de ses composantes.
Légère amélioration qualitative, les pâtes de bois chimiques qui peuvent elles remplacer totalement les pâtes à base de chiffon ne sont souvent utilisées que comme un succédané. Les pâtes mécaniques se taillent la part du lion dans la production papetière à l’orée des années 1870.
 
Autant dire, à ce bref historique, que les papiers utilisés pour les productions de masse sont de piètre qualité et que l’histoire personnelle du « stockage » de chaque livre jusqu’à nos jours (conditions de luminosité, de sécheresse ou d’humidité) a autant d’importance pour le papier que les éventuels mauvais traitements des lecteurs ! Le grenier, malle au trésor, quand on sait les variations de températures et d’hygrométrie qu’ils connaissent, sont de bien mauvais endroits pour trouver des cartonnages correctement conservés. Le papier jaunit devient fragile et cassant, notamment à partir des bords. C’est l’un des côtés frustrants du cartonnage polychrome. Sous une parure rutilante et fraîche peut se dissimuler un papier brun et friable. De manière générale, les papiers de beaux cartonnage polychromes sont plutôt de meilleure qualité que ceux des cartonnages courants. Mais après 1914 , une nouvelle détérioration peut être constatée, sensible notamment dans les rééditions.
 
Existe-t-il des « grands papiers », des « tirages limités » ? Statistiquement, ils sont en très faible nombre car le cartonnage, et même sa version la plus luxueuse, se démarquait de la démarche bibliophilique en pleine révolution.
 
Certains cartonnages ne se rencontrent que dans un état très fragile de papier : tous les exemplaires que nous avons pu consulter connaissent les mêmes dégradations. Nous avons tenu à le signaler car on ne peut imputer comme défaut à un livre une conséquence mécanico-chimique de son évolution dans le temps. C’est le cas par exemple du cartonnage PEPE, à la superbe polychromie mais à la qualité de papier très fragilisée, quelque soit la qualité de conservation du cartonnage.
 
Autant dire que la conservation des exemplaires parvenus jusqu’à nos jours en état correct est une priorité : ces livres seront plus rares dans deux siècles que les in folio en papier chiffon du XVIème. La quasi totalité des collections des bibliothèques est en péril sur cette période et le transfert des contenus sur d’autres supports semble être la seule voie possible de conservation au regard des coûts des traitements chimiques existants. La logique économique veut que sont traités les ouvrages de la plus grande valeur et ce ne sont pas ceux qui sont en plus grand danger de destruction. Collectionneurs de cartonnages polychromes, n’ayez aucun complexe : vous contribuez aussi sûrement, voire plus à la conservation du patrimoine que les amateurs d’incunables ou de traités d’halieutique ou de poliorcétique du XVI ou du XVIème.
 
Si la rareté est un paramètre majeur de la valeur, vous avez même raison contre eux. D’ores et déjà nous voyons passer des ouvrages dits rares es XVI au XVI plusieurs fois par an quand certains cartonnages polychromes (issus des bibliothèques privées) ne sortent sur le marché (libraires et salles des ventes) qu’à dose homéopathique. Ajoutée à la fragilité des reliures ( ragilité mécanique des structures des reliures industrielles et fragilité des polychromies à la lumière, aux salissures et au frottement), le cartonnage polychrome est à proprement parler une catégorie de livres « en voie de disparition ». Raison de plus pour s’y intéresser quelque soit la motivation, patrimoniale, affective, historique ou scientifique.
 
LES RELIURES D’EDITEUR
 
 
Etre amateur de beaux livres, de leur plumage autant que de leur ramage, ne revient pas à se voiler la face : la passion du « livre-objet » (jamais très loin du livre contenu) sous tend notre démarche. Toutefois, il faut clairement l’indiquer, la livrée des cartonnages polychromes n’est pas à proprement parler une reliure au sens artisanal du terme mais une forme «d’emboîtage », une reliure semi- industrielle et le terme « semi » est aussi important que le terme « industriel », tant sa conception a fait usage du travail des hommes à part au moins égale à celui des machines.
 
Sylvie Malavieille (H E F TIII p 64-66 pour une approche synthétique) a évoqué les ateliers de reliure soulignant que si les éditeurs comme Ardant frères à Limoges sous traitaient une partie de leur reliure, Mame à Tours entretenait 75 ouvriers uniquement dans leur atelier de reliure industrielle.
Les maitres relieurs comme Engel dans ses ateliers de Boutigny à compter de 1835 ou Lenègre à compter de 1838 firent naître et portèrent déjà à un très haut niveau de qualité les reliures d’édition. L’ouvrage de S. Malavieille est, entre autres, un hommage à cet art.
 
Schématiquement, le corps du livre et sa couverture sont traités séparément , comme deux objets distincts, jusqu’à leur achèvement . Ils sont alors réunis de manière hélas peu solide au regard du poids de l’ouvrage en ce qui concerne les cartonnages polychromes grand in 8, in 4° ou in-folio. La page de garde traditionnellement et majoritairement bleu clair (jauni avec le temps) vient dissimuler le montage par collage. Plus qu’un produit de la mécanisation, ce type de reliure est une application de la division du travail en phase avec le XIXème siècle industriel et son taylorisme appliqué : main-d’œuvre nombreuse évoluant autour des tables de reliure ou des machines.
 
Ce type de reliure-emboîtage accepte de parer les cartonnages de diverses matières, à un coût beaucoup plus réduit et avec une capacité de production de masse inconnue jusqu’alors. Cuir, papier ou toile (percaline ) conduisent à diversifier un livre par trop homogène et à le moderniser. Bien entendu, tout notre intérêt va à la percaline, cette toile forte, souvent d’origine anglaise entièrement décorée et collée sur le carton avant réunion avec le corps du livre. Les plats polychromes sont donc une entité en soi.
 
Rien ne l’illustre plus que le fait qu’ils ont parfois habillé et paré autre chose que des livres : des herbiers comme celui présenté ci contre relié par Engel, des albums photos et de cartes postales voire des boites à chocolats de monastères. Ceci justifie le fait que l’on puisse s’intéresser en soi aux percalines polychromes d’éditeur et tout particulièrement à la dimension esthétique des « plaques spéciales » figuratives. L’illustration de couverture atteint un sommet.
 
Des machines arrivées à maturité dans les années 1860 viennent accompagner ce travail sur les reliures d’éditeur : presses hydrauliques à satiner, laminoirs, machines à grecquer, rouleaux à endosser, presses à balancier pour les décors.


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